Empoisonnement d'un Milan royal en Ariège, l’auteur condamné à de la prison avec sursis

Photo : JC. Boyer

Le 3 octobre 2024, Lydia Vilagines, vétérinaire impliquée dans le Programme « Vigilance Poison » est venue à Toulouse présenter au groupe Ornithologique de Nature En Occitanie le bilan de 19 ans de suivi des causes de mortalité des nécrophages dans les Pyrénées, en particulier du Gypaète barbu, du Vautour percnoptère, du Vautour fauve et du Milan royal.

De 2003 à 2023, 431 cadavres de ces 4 rapaces ont été autopsiés dont 141 Milans royaux, 256 Vautours fauves, 17 Vautours percnoptères et 17 Gypaètes barbus. 225 des nécrophages autopsiés présentaient soit une exposition ou une intoxication à des produits toxiques comme le plomb ou les anti-coagulants.

Le Milan royal est particulièrement affecté par cette problématique puisque 47 % des cadavres autopsiés étaient intoxiqués. Dans les faits, ce sont 97 Milans royaux qui sont morts soit d’une intoxication aiguë, majoritairement par des raticides (en consommant des micro-mammifères eux-mêmes infectés), soit à la suite d'une exposition à un toxique comme le plomb par exemple (des plombs reçus peuvent ne pas tuer l’oiseau directement mais diffuser lentement et le rendre malade de saturnisme). Il faut noter que chez cette espèce 80 % des causes de mortalité sont d’origine anthropique : tirs (13 %), électrocutions (10 %), collisions ou percutions (17 %), etc.

Il est très rare qu'une suite judiciaire soit donnée à ces destructions de rapaces nécrophages. Mais en mai 2022, Aurélie de Seynes, coordinatrice pour les Pyrénées du Plan National d’actions en faveur du Milan royal, a sollicité plusieurs associations de protection de la nature de l’Ariège pour porter plainte auprès de l’Office Français de la Biodiversité (OFB) à la suite de la découverte d’un milan royal empoisonné. Le Conseil Collégial de notre association a délibéré favorablement à cette demande. Le site concerné aux alentours de Pamiers en Ariège avait déjà été le lieu de découverte de plusieurs cadavres de rapaces les années précédentes, l’OFB a donc diligenté une enquête poussée afin de découvrir l’auteur des faits accompagné en cela par la gendarmerie. Leurs investigations les ont menés sur une propriété où du Carbofuran a été trouvé, un insecticide et nématicide provoquant des intoxications aiguës, interdit d’utilisation et à la vente depuis 2008 sur le territoire français. La perquisition a permis la découverte d’un cadavre d’Autour des palombes empoisonné, les cadavres de 3 brebis, d’une vache, de Pies bavardes, de palombes et d’un furet, de conditions de captivité de furets non réglementaires, mais également de pièges interdits d’utilisation et autres infractions à la chasse.

L’auteur ayant reconnu les faits lors de son audition, le procureur lui a donc proposé de bénéficier de la procédure dite de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité sans déferrement. Cette procédure prévoit que la personne incriminée se voit proposer une peine par le procureur, et si elle l’accepte, une audience devant le juge est organisée où le magistrat entérine la peine convenue et se prononce sur les demandes de dommages et intérêts portées par les parties civiles. Dans ce cas précis, le procureur avait demandé (et a été suivi par le juge) 5 mois d’emprisonnement délictuel avec sursis, une amende délictuelle de 400 euros, 3 ans d’interdiction de détenir ou porter une arme, 12 mois de retrait de chasse avec interdiction temporaire de solliciter la délivrance d’un nouveau permis, l’obligation d’accomplir à ses frais un stage de sensibilisation à la prévention et à la lutte contre la maltraitance animale dans un délai de 6 mois et une amende contraventionnelle de 250 euros. Le condamné doit également s’acquitter d’un droit fixe de procédure d’un montant de 254 euros.

Lors de l’audience au tribunal d’instance de Foix, le 5 mai 2025, l’ANA-CEN, le Comité Ecologique Ariégeois, la LPO, LPO Occitanie et Nature En Occitanie se sont portés partie civile dans ce dossier, et ont bénéficié de dommages et intérêts pour un montant total de 4 000 euros en réparation de leur préjudice moral, soit 800,-€ par association (et 800€ supplémentaires à la LPO en réparation du préjudice écologique.

Au final, l’auteur du délit doit s’acquitter de près de 5 000 euros en plus de la peine d’emprisonnement avec sursis, du stage de sensibilisation et du retrait du permis de chasse.

Ce jugement est un nouveau pas vers une meilleure prise en considération de la nécessité de punir sévèrement les personnes utilisant des produits toxiques sur la faune. Nous espérons et œuvrons pour que ce cas serve d’exemple dissuasif et sensibilisera l’ensemble des acteurs à leur dangerosité.

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